L'étude Euromosaic
L'arvanite/albanais en Grèce
- Données générales sur la communauté linguistique
- Description linguistique, géographique et économique
- Histoire générale de la région et de la langue
- Statut légal et politique officielle
- Usage de la langue par domaine
- Education
- Mass-médias et technologies d'information
- Production et industries culturelles
- Usage social et familial
- Échanges transnationaux
- Conclusion
1. Données générales sur la communauté linguistique
1.1 Description linguistique, géographique et économique
On décèle des traces de la présence albanaise en Grèce entre le XIe et le
XIIe siècle. Toutefois, c'est entre 1350 et 1450 que prit place le principal
courant migratoire, lorsque princes et souverains byzantins, catalans,
florentins et vénitiens invitèrent les Albanais à s'installer dans les régions
désolées et peu peuplées de Grèce centrale et méridionale. D'aucuns pensent même
que des remaniements militaires dans la région auraient contribué au flux
migratoire.
Les migrations se sont poursuivies à l'époque ottomane non seulement avec des
colons chrétiens mais aussi avec des musulmans. Pendant tout le XIXe siècle et
durant les premières décennies du XXe siècle, un nombre conséquent de chrétiens
albanais s'installèrent dans l'Etat grec, notamment dans les régions
albanophones. Toutes ces populations sont en quelque sorte les "ancêtres" des
Arvanites en Grèce centrale et méridionale.
Au fil des siècles, les Arvanites se grécophonisèrent et s'hellénisèrent de
plus en plus, ainsi que le leur permettaient à la fois leur religion chrétienne
orthodoxe et les traits culturels qu'ils partageaient avec les autres peuples
balkaniques. En ce qui concerne la langue, on avait également pu observer le
processus inverse, jusqu'au début de ce siècle et à une petite échelle. Deux
facteurs essentiels ont contribué à façonner l'identité des Arvanites: la
politique ottomane des millets et le prestige social qu'exerçaient l'identité et
la culture grecques. La naissance de l'Etat grec moderne enclencha un processus
d'assimilation des langues périphériques, dans lequel le système scolaire et le
service militaire jouèrent un rôle décisif. La présence dynamique des Arvanites
dans les rouages de l'administration et dans la vie politique, se conjuguant
avec le caractère tardif du processus d'édification nationale en Albanie,
contribua à forger l'image qu'offre aujourd'hui la communauté.
Jusqu'en 1940, l'appellation officiellement et largement répandue pour
désigner les Arvanites et leur langue était respectivement Albanais ou
Gréco-Albanais et albanais ou gréco-albanais, même s'ils étaient considérés
comme un élément constitutif de la nation grecque. C'est dans ce sens que l'on
assista (jusqu'en 1900) à des tentatives pour fonder un état gréco-albanais. Il
convient d'ajouter que les termes "Arvanitès", "Arvanitia", se réfèraient
également à l'époque aux Albanais et à l'Albanie.
L'Etat et l'appareil administratif grecs n'exercèrent pas de pressions pour
encourager l'hellénisation des Arvanites, ainsi qu'on avait pu le voir dans
d'autres cas dans les Balkans, celle-ci s'étant déjà opérée du fait même de
l'histoire. Le problème était celui de l'assimilation linguistique et dans le
passé, des mécanismes coercitifs furent mis en oeuvre dans ce sens.
Les Arvanites étaient jadis extrêmement conservateurs, ce qui se traduisit
dans le passé par des prises de positions royalistes et l'attachement d'une
bonne partie d'entre eux à l'Eglise orthodoxe des anciens-calendaristes.
L'urbanisation consécutive à la Seconde Guerre Mondiale constitua un autre
facteur qui joua son rôle dans le recul de la langue, notamment dans les régions
où la population était homogène. Nous disposons d'informations assez complètes
sur l'expansion de l'albanais aux siècles précédents puis sur son recul.
1.2 Histoire générale de la région et de la langue
Indépendamment du degré de recul de la langue, une donnée qui est
fondamentale, nous décrirons ci-dessous les zones d'implantation des Arvanites
aujourd'hui. Pour donner un aperçu des disparités qui apparaissent dans l'usage
de la langue selon les régions, notons à titre d'exemple qu'en 1993, alors qu'à
Angelokastro (département de Corinthie), la plupart des individus âgés de plus
de 30 ans parlent l'arvanite, à Koklas (sous-préfecture de Trifyllia), on ne
trouve que trois personnes âgées de plus de 70 ans qui le parlent. Dans la
plupart des cas, en quittant leur village, les locuteurs renoncent en même temps
à la langue, même si la concentration d'Arvanites dans les nouveaux lieux
d'installation est forte. Ainsi, même à Thiva (Thèbes), seul un nombre infime de
jeunes ont une quelconque connaissance de la langue; il en va de même à Livadia,
et cela bien que des locuteurs en provenance de villages voisins viennent s'y
installer continuellement, quand ce ne sont pas des villages entiers, comme par
exemple le village de montagne d'Elikonas, dont les habitants sont dans leur
totalité venus s'installer à Livadia. Il va de soi que l'on rencontre des
locuteurs, pour ne citer que ces exemples, tant à Atalandi en Phtiotide qu'à
Desfina en Focide. Notons que la plupart des villages de Grèce centrale et
méridionale sont homogènes.
A. La répartition de l'arvanite parlé par les Arvanites (Arbëror) de Grèce
centrale et méridionale, par départements se présente comme suit:
Attique: la majeure partie des villages sont arvanites. Au début du siècle,
tous les villages, à l'exception de Migara et d'un autre village plus petit,
étaient arvanites, de même que certains quartiers d'Athènes. Il va sans dire que
la considérable concentration de population en Attique a complètement bouleversé
cet état de choses.
Eubée: à l'exception d'Alivéri et de Karistos, pratiquement tous les villages
de la sous-préfecture de Karistos, au- dessous d'une ligne Achladéri-Prinia,
autrement dit une aire très étendue, dans la partie la plus méridionale de
l'île.
- Cyclades: dans l'île d'Andros, plus de 10 villages, dans la partie nord.
- Corinthie: environ 70 villages, situés en majorité à l'est du département.
- Argolide: 30 à 35 villages presque tous situés à l'est d'Argos et dans la
sous-préfecture d'Hermioni.
- Achaïe: moins de 20 villages tous situés à l'ouest, sauf un. [La langue
s'est perdue dans la région du mont Panahaïko]
- Messénie: environ 20 villages dans la sous-préfecture de Trifyllia.
- Arcadie: un village.
- [Elide, Laconie: la langue a totalement disparu en Elide, autour des
années 1940, alors qu'en Laconie, on trouve quelques rares locuteurs âgés.]
- Pirée: tous les villages de la sous-préfecture de Trézène, les îles de
Salamine, Anguistri, Hydra et Spetses.
- Béotie: plus de 60 villages, la plupart situés dans la sous-préfecture de
Thiva.
- Phtiotide: 6 à 7 villages dans la partie sud-est du département.
B. Le groupe qui arrive en second rang au point de vue numérique est
constitué par les Arvanites de Tsamouria en Epire. Ils constituent la limite la
plus méridionale d'expansion de la langue albanaise, où soit parlée la variété
dialectale dite tsam. Cette population importante répond au nom de Tchams et la
région où elle est implantée est appelée Ts(i)amiko. Les Tchams musulmans ont
émigré massivement en Albanie, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. La
majorité d'entre eux ayant collaboré avec les forces d'occupation, le reste de
la population a été conduit à exercer des représailles et les Tchams ont été
expulsés par la Résistance grecque. Aujourd'hui, on ne recense guère plus de 100
à 150 sujets Tchams musulmans en Grèce.
Les locuteurs chrétiens de la variété dilaectale tcham sont, quant à eux,
implantés dans les départements suivants:
- Thesprotie: ils occupent la majeure partie du département, et sont
essentiellement installés dans la zone frontalière avec l'Albanie.
- Prévéza: dans la partie du département de Prévéza limitrophe de la
Thesprotie (Prévézaniko) et dans quelques villages au nord de Thesprotiko.
- Ioannina: de rares villages dans la zone limitrophe de la Thesprotie et du
département de Prévéza [un village situé au nord de Konitsa est également
albanophone].
Il convient de noter ici que les habitants des zones ci-dessus répugnent à se
désigner comme Tchams. Aujourd'hui, cette dénomination s'applique
essentiellement aux musulmans qui habitaient la région auparavant.
C. Le troisième groupe d'Arvanites comprend des réfugiés de Thrace orientale,
qui se sont installés en Grèce après 1920. Ils se désignent eux-mêmes comme
Shqiptar, ce qui constitue un indice du caractère postérieur de leur migration.
Aujourd'hui, ils sont installés dans les départements suivants:
- Evros: 4 villages homogènes et 14 villages mixtes
- Rhodope: 1 village
- Xanthi: 3 villages
- Serrès: 5 villages
- Thessalonique: 1 village
- Kilkis: 1 village (réfugiés de Bulgarie)
On dénombre en outre trois villages albanophones dans le département de
Florina, bien que l'on rencontre quelques locuteurs dans trois autres villages;
un village situé au nord de Konitsa est également albanophone: on y parle la
variété dialectale dite tosque.
L'albanais (arvanite) qui est parlé en Grèce appartient dans sa totalité au
dialecte tosque. Les tentatives de recensement et de regoupement des parlers
locaux sont très peu nombreuses; quant aux quelques études qui ont été
réalisées, elles ne sont pas publiées. Les arvanitophones de Grèce méridionale
constituent le seul groupe linguistique de Grèce dont la langue ait été étudiée
scientifiquement du point de vue socio-linguistique. Ce qui est sûr, c'est que
dans un assez grand nombre de cas, la migration interne intervenue lors des
derniers siècles a donné lieu à une extrême variété idiomatique dans chaque
région, comme en témoignent certaines enquêtes menées sur l'Attique et la
Béotie.
1.3 Statut légal et politique officielle
Il n'a jamais existé de statut légal régissant la place de l'arvanite.
Jusqu'en 1951, année où ont été recensés dans des statistiques officielles les
locuteurs d'autres langues que le grec, il était fait mention de l'arvanite,
même si les chiffres étaient considérablement minimisés.
Aujourd'hui, les services de l'Etat sont indifférents en ce qui concerne
l'usage de la langue. Il est très rare de voir se manifester une politique
dissuasive pour ce qui est de l'usage de la langue, et lorsque tel est le cas,
celle-ci émane plutôt du bas de l'échelle.
2. Usage de la langue par domaines
2.1 Education
La politique de dissuasion systématique concernant l'usage de la langue, déjà
reléguée dans le cercle familial, s'est poursuivie, par l'intermédiaire des
instituteurs, jusque dans les années 1970 environ.
Au milieu des années 1980, dans un ou deux villages et dans le cadre
d'associations culturelles, une tentative d'enseignement de la langue à des
adultes sous forme de cours particuliers a vu le jour, mais n'a rencontré aucun
écho chez les habitants.
2.2 Mass-médias et technologies d'information
Dans de rares cas et essentiellement sur des stations locales, on peut
entendre des chansons arvanites.Toutefois une remarquable série d'émissions sur
la radio nationale, il y a une dizaine d'années, a été perçue très négativement
par les autorités.
2.3 Production et industries culturelles
Après 1981, le gouvernement PASOK a encouragé la création et l'essor
d'associations culturelles locales, le climat de l'époque étant en outre une
garantie de tolérance pour toute tentative visant à la sauvegarde des langues
périphériques. Ainsi, en 1982 est fondée à Athènes l'Association arvanite de
Grèce qui développe une activité importante et implante un grand nombre
d'annexes dans les villages. Pendant une dizaine d'années, sont organisés un
assez grand nombre de festivals comportant des chansons arvanites et une revue
bimensuelle, Bessa, est publiée. La "ligne" de l'Association n'omet pas de
souligner l'"unité des peuples grec et albanais, puisque tous deux dérivent de
la tribu grecque grécopelasgique", se ralliant au point de vue selon lequel "l'arvanite
est la langue mère du grec classique". Ceci dit, la revue comporte des textes et
des chansons en arvanite et opte pour une double graphie, en alphabet grec et
albanais. Ce mouvement qui est essentiellement localisé en Attique, en Béotie et
en Corinthie, existe également ailleurs de façon très sporadique, comme par
exemple dans le village de Tihéro (département d'Evros). On peut lire des textes
arvanites dans plusieurs journaux locaux (contes, chansons) et les collectivités
locales organisent des colloques, de caractère laographique et historique. Des
contacts sont même pris avec des albanophones d'Italie. Depuis lors, des disques
et des cassettes de chansons arvanites sont disponibles. Notons qu'un concert
organisé à Athènes en 1987 a rencontré un accueil hostile auprès des services
secrets. Signalons en outre la parution de quelques rares ouvrages comportant
des chansons et des textes en arvanite. L'Association décline en 1992, à la fois
du fait de problèmes internes et de facteurs exogènes négatifs: montée du
nationalisme à l'occasion de l'affaire de la Macédoine, arrivée des réfugiés
albanais. Le dernier numéro de la revue Bessa paraît en 1994.
Au niveau de la culture populaire, du moins jusque dans les années 1950, il
existe une production de chansons populaires, un phénomène qui, dans deux cas au
moins, a également été constaté dans la dernière décennie.
2.4 Usage social et familial
L'arvanite a été considérablement influencé par l'environnement linguistique
grécophone et a évolué -notamment pour ce qui est de la langue parlée en Grèce
centrale et méridionale- durant des siècles, indépendamment de tout contact avec
les communautés albanaises et avec l'Albanie contemporaine.
Comme dans tous les cas analogues, l'arvanite de Grèce centrale et
méridionale est de plus en plus influencé dans sa morpho-phonologie par le grec.
C'est ainsi qu'il a acquis un statut distinct de l'albanais.
Après 1900, -et c'est là un phénomène commun à toutes les langues
périphériques de Grèce- l'administration mais également des "porte-paroles" de
la communauté utilisent et privilégient à propos de la langue des théories et
des dénominations qui visent à la différencier de la langue véhiculaire
officielle correspondante, de manière à ce que celle-ci s'impose comme une
langue autonome. Parallèlement, on cherche à accréditer la thèse d'une langue
indigente et "non civilisée", qui serait en outre un "dialecte gréco-albanais".
L'impact de tels facteurs sur le recul de la langue ne saurait être ignoré dans
ce cas comme dans bien d'autres en Grèce; au demeurant, il est manifeste que
certains processus sociaux et historiques ont en l'occurrence joué un rôle plus
décisif. De la même façon, il serait abusif d'affirmer que la disjonction avec
l'identité nationale correspondante a été induite par les facteurs en question,
dans la mesure où il n'a en fait jamais existé de connexion entre les deux.
L'usage de la langue sur une base quotidienne n'est le fait que des plus
vieilles générations, comprises dans la tranche d'âge des 50 ans et plus, ces
derniers constituant les locuteurs compétents. Cet usage se limite
habituellement à l'échelle du village, un phénomène qui n'est pas nouveau, ainsi
qu'aux échanges de caractère non-officiel. Les jeunes générations utilisent
davantage le grec et, secondairement l'arvanite, notamment lorsqu'ils expriment
une intimité, et constituent les locuteurs terminaux. Enfin, la tranche d'âge
des moins de 30 ans étant, dans sa grande majorité, incapable de s'exprimer en
arvanite, l'usage qu'elle fait de la langue est extrêmement restreint.
Cette situation de moyen terme concerne uniquement les régions où la langue
résiste, autrement dit l'ouest de l'Attique, l'est du département de Corinthie,
les sous-préfectures de Trézène et d'Hermioni, la Béotie, quelques villages de
la région de Karistos, et pratiquement toute la Grèce du nord. Dans une même
agglomération, il n'est pas rare d'enregistrer des différences notables d'une
famille à l'autre.
S'il apparaît que dans les régions où la population est dense, la langue
arvanite se maintient, de multiples facteurs invitent à moduler les théories
généralisatrices sur la résistance de la langue. Ainsi par exemple, en Attique,
alors que la langue est bien vivante dans la bourgade industrielle d'Aspropyrgos,
en revanche, dans le village relativement isolé d'Ano Souli, aucun individu de
moins de 30 ans n'est à même de s'exprimer, ne serait-ce que de façon
rudimentaire, en arvanite. Ce qui est sàr, c'est que, contrairement aux autres
langues périphériques, on enregistre une brutale désaffection dans les dix
dernières années.
On a enregistré un regain relatif de la langue du fait de l'arrivée massive
en Grèce après 1990 de réfugiés albanais, dont une fraction importante s'est
installée dans les villages albanophones. Bien que cette situation n'implique
aucunement l'apparition de sentiments d'"appartenance commune" avec les Albanais
et l'Albanie, -en fait, c'est même plutôt le contraire qui se produit-, elle a
fait l'objet de commentaires négatifs de la part des services secrets grecs.
Le sentiment général d'une langue pauvre et inférieure et la conviction que
l'arvanite ne constitue pas une langue écrite ont été soigneusement entretenus
par l'administration, au point qu'aujourd'hui même les Arvanites cultivés
adhèrent parfaitement à ces théories.
2.5 Échanges transnationaux
En dehors des échanges avec les albanophones d'Italie, les contacts avec
l'Albanie étaient réduits au minimum; y faisaient obstacle à la fois les
relations entre les deux Etats et l'attitude négative des communautés face à
toute forme de parenté avec les Albanais et l'Etat albanais.
3. Conclusion
Aujourd'hui encore, il n'est pas rare de voir quelqu'un dissimuler son
identité ou son origine arvanite. Le stéréotype négatif de l'Arvanite, synonyme
de vaniteux, têtu et mauvais, est toujours ancré dans les mentalités et les
souvenirs des humiliations subies à l'école ou à l'armée sont encore vivaces
chez les personnes plus âgées.
Le mépris pour la langue, qui initialement découlait de l'idéologie
officielle, caractérise aujourd'hui la communauté dans son écrasante majorité.
Les intellectuels de la communauté ont répondu à cet état de choses par une
attitude largement répandue dans les minorités linguistiques de Grèce, c'est- à-
dire en s'efforçant de démontrer que la langue vient du grec ancien, ce qui est
du reste un fait acquis pour la majorité grécophone. Dans le même temps, ils ont
entrepris de fonder un statut autochtone des Arvanites, en passant sous silence
les liens qui les unissent aux Albanais, liens qui sont jugés outrageants par
les membres de la communauté.
Par ailleurs, l'émiettement géographique des communautés a eu un impact
négatif sur la création d'une forme d'identité collective, encore que la
compréhension mutuelle ne pose pas de problèmes particuliers.
L'identité arvanite chez les locuteurs de la langue ou chez les sujets
originaires de la communauté est parfaitement compatible avec l'identité et la
conscience grecques. Néanmoins, les efforts énergiques mis en oeuvre pour
sauvegarder et cultiver la langue, du moins lorsqu'ils n'émanent pas d'instances
officielles, ont toutes les chances d'être perçus comme "nationalement
suspects".
Notons encore que l'installation massive de réfugiés albanais en Grèce après
1990, tout en rendant évidente la parenté linguistique -puisqu'il existe une
compréhension réciproque partielle- n'a entraîné aucun changement dans les
prises de positions de la communauté à l'égard des Albanais et de l'Etat
albanais.
Nous pouvons donc facilement conclure de tous ces éléments que, non seulement
il n'existe pas de problème de clivage de la conscience nationale/ethnique des
Arvanites, mais davantage encore que la question ne saurait même être posée
comme telle. Si une question se pose, c'est celle de la sauvegarde de la langue.
Et cela parce que, ainsi qu'il est apparu dans cet exposé, aucun désir de la
conserver ne se fait jour chez ses locuteurs ou chez les sujets qui sont issus
d'un milieu où la langue est parlée, ce qui se traduit par l'absence de toute
tentative collective, sous quelque forme que ce soit, dans ce sens.
L'absence de ressourcement des locuteurs de l'arvanite est telle qu'elle fait
aujourd'hui de cette langue la plus vulnérable des langues périphériques qui
sont parlées en Grèce.
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