LA THÉORIE FÉODALE DE LA MONNAIE
PAR
M. ERNEST BABELON
MEMBRE DE L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
I
C'est un fait reconnu par tous les historiens que , dans les derniers siècles de l'empire romain , le droit de monnaie appartenait exclusivement à l'empereur. Après avoir été longtemps partagé entre l'empereur, qui s'était réservé le monnayage de l'or et de l'argent, et le Sénat, à qui Auguste avait laissé le monnayage du bronze , ce droit avait fini par être complètement et dans toutes ses parties absorbé par le chef de l'État. A partir des règnes d'Aurélien et de Gallien , au milieu du nie siècle, la monnaie, dans les trois métaux, est frappée par les soins et sous l'autorité d'agents qui dépendent directement de la maison de l'empereur. Tous les ateliers, en nombre d'ailleurs très restreint, sont impériaux; il n'y a pas d'autre numéraire que les espèces impériales, depuis les confins de la Germanie et de la Grande-Bretagne jusqu'aux déserts africains et aux frontières de l'empire des Parthes.
Lorsque l'empire fut tombé sous les coups des Barbares , les rois envahisseurs, recueillant pour eux-mêmes les prérogatives impériales, s'attribuèrent en particulier, au nom du droit et de la tradition, le jus monetae, qui était lucratif, honorifique et consacrait leur autorité aux yeux des populations. Ils frappent monnaie, d'abord en imitant servilement les espèces impériales; puis, graduellement,