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COMMUNICATION
LE SCRIBE GUIOT ET LE MANUSCRIT FRANÇAIS 794
DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE, PAR M. MARIO ROQUES, MEMBRE DE L* ACADEMIE.
Le fonds français des manuscrits de la Bibliothèque nationale conserve, sous le n° 794, un volumineux recueil du premier quart du xme siècle où figurent, entre autres poèmes, les cinq grands romans œuvres authentiques de Chrétien de Troyes, Erec, Cligès, Lancelot, Ivain et Perceval. Souvent utilisé par les éditeurs de Chrétien, ce célèbre manuscrit n'a pas encore été examiné d'aussi près qu'il convient. Il est dû à un scribe attentif, qui a inscrit dans son ouvrage son nom de Guiot et l'adresse de son atelier sans dire en quelle ville il était établi. M. Mario Roques montre que cette ville n'était pas Paris, comme on l'a cru, mais Provins, ce qui explique les traits particuliers du français de Guiot et engage à les croire très proches du langage même du champenois Chrétien.
L'orthographe de Guiot est depuis longtemps citée comme un excellent modèle de simplicité, de régularité et d'exactitude, mais on n'a pas assez remarqué qu'elle comporte des essais de distinction des lettres et des syllabes, très antérieurs aux accents ou aux trémas de la typographie, et aussi des habitudes de ponctuation expressive dont on peut noter l'apparition et les progrès dans la copie même de Guiot ; elles donnent de curieuses indications sur la manière dont le texte de Chrétien était compris, sinon par l'auteur lui-même, du moins par les lecteurs qui l'interprétaient, dans sa propre région, moins de quarante ans après lui.
Il semble bien, en effet, que le manuscrit de Guiot ait été destiné à faciliter la lecture publique à voix haute usuelle au Moyen Age. Il a d'ailleurs été, peut-être après Guiot, mais encore en son siècle, préparé avec soin pour une utilisation prompte et facile, par l'adaptation aux feuillets d'index latéraux de parchemin, et aussi de signets de soie sur la tranche inférieure, qui permettaient, les uns et les autres, d'ouvrir le manuscrit à la page initiale de chacune des œuvres, système commode, mais non usuel pour les manuscrits littéraires du Moyen Age, et dont quelques débris, inaperçus jusqu'ici, ont survécu, dans le manuscrit 794, aux déchirures des feuillets et au couteau des relieurs modernes.
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M. Edmond Faral signale que des manuscrits latins peuvent expliquer la raison d'être de la ponctuation qu'on trouve dans cer-