L’HISTOIRE GRECQUE
ET LA NUMISMATIQUE™
Messieurs,
Les destinées de la science numismatique ont été singulières. Bien qu’elle soit née une des premières — la première peut-être — parmi les branches de l’archéologie, bien que, depuis la Re¬ naissance jusqu’à nos jours, elle n’ait cessé d’être cultivée avec talent et succès par un grand nombre de savants, elle n’a pas encore réussi à obtenir une place régulière dans le haut en¬ seignement, soit en France, soit à l’étranger. Successivement la science des manuscrits ou paléographie, la science des inscrip¬ tions ou épigraphie, la science des monuments d’art ou archéo¬ logie figurée, ont forcé l’entrée des Facultés et pris rang sur les programmes officiels, à côté de l’explication des textes littéraires. Seule la science des médailles est restée à la porte, honorée par les uns, dédaignée par les autres, mais toujours tenue à distance. Quand, il y a une vingtaine d’années, un savant d’une grande ou¬ verture d’esprit, François Lenormant, voulut, pour la première fois en France, professer un cours public de numismatique', il ne trouva d’asile pour ses auditeurs que dans une salle de la Biblio¬ thèque nationale, et un pareil cours, considéré comme une sorte d’annexe du Cabinet des Médailles, séparé de tous les autres ensei¬ gnements analogues, était condamné d’avance à l’isolement, c’est-à-dire à la stérilité. Dans ma conviction, l’enseignement numis¬ matique, pour être vraiment fécond, doit s’adresser non pas aux spécialistes ni à ceux qui veulent le devenir, mais en première ligne aux étudiants d’histoire, aux artistes, aux économistes, et, d’une manière générale, à toutes les personnes instruites, dési¬ reuses de pénétrer plus avant dans l’intimité des civilisations anciennes.
A quoi tient maintenant cette espèce de défaveur persistante, ce préjugé qui s’obstine à regarder la numismatique comme
(1) Leçon d’ouverture du cours libre d 'Histoire de la Grèce par les monnaies, professée à la Sorbonne, le 15 janvier 1894.