EIRENIKA
CONSIDÉRATIONS
SUR L'ÉCHEC DE QUELQUES TENTATIVES PANHELLENIQUES AU IV* SIÈCLE AVANT JÉSUS-CHRIST
Au livre VII de la Politique, Aristote affirme avec force que la guerre n'est tolerable que si elle est un moyen de parvenir à la paix1. C'est pourtant devenu un lieu commun de constater qu'il n'en a pas toujours été ainsi dans le monde des cités grecques. Jusqu'à la guerre du Péloponnèse, s'était rigoureusement vérifiée dans les faits la formule de Bruno Keil : « La paix était une interruption contractuelle de la guerre, et non la guerre une interruption de l'état de paix2. »
Platon remarquait aussi dans les Lois : « Les cités se font une guerre permanente 3. » Le même Platon a su discerner où devait être recherchée la cause première des guerres dans le monde hellénique : dans la pénurie de trophè4·. Les Grecs ont eu de tout temps les plus grandes difficultés pour assurer leur subsistance quotidienne. Hérodote constate que la Grèce a toujours eu la pauvreté pour compagne5. Et l'on sait que les Grecs enviaient les Égyptiens de pouvoir, grâce à la fertilité du sol de leur pays, élever tous leurs enfants. Les Grecs au contraire avaient beaucoup de mal à nourrir les leurs ; la coutume de l'exposition des enfants en est une preuve.
Aussi est-il tout naturel de voir dans la Grèce ancienne un groupe humain disputer à ses voisins tel ou tel pâturage dont il a besoin pour son troupeau, telle ou telle terre de confins que parfois des interdits sacrés reconnus par les uns, contestés par les autres, dérobent à la culture, telle source particulièrement précieuse dans ce pays calcaire au climat méditerranéen. C'est
1. Aristote, Politique, VII, 14, 1.333 a.
2. Bruno Keil, ΕΙΡΗΝΗ, Ber. der Verhandl. der sächs. Gesellschaft der Wiss., 68, 4 (1916), p. 8.
3. Platon, Lois, I, 625 e.
4. Platon, Phêdon, 66 b-c.
5. Hérodote, VII, 102.